NOTES
Dans cette histoire du téléscope Hugo suit tant bien que mal, mais pas à pas, non l'article « Télescope », où elle est assez différente, mais l'article « Lunette » de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert:
« Lunette d'approche, (Hist. des inventions modernes.) cet utile & admirable instrument d'optique, qui rapproche la vûe des corps éloignés, n'a point été connu des anciens, & ne l'a même été des modernes, sous le nom de lunettes d'Hollande, ou de Galilée, qu'au commencement du dernier siècle.
[...]
Le fils d'un ouvrier d'Alcmaer, nommé Jacques Métius, ou plutôt Jakob Metzu, qui faisoit dans cette ville de la Nord-Hollande, des lunettes à porter sur le nez, tenoit d'une main un verre convexe, comme sont ceux dont se servent les presbytes ou vieillards, & de l'autre main un verre concave, qui sert pour ceux qui ont la vûe courte. Le jeune homme ayant mis par amusement ou par hasard le verre concave proche de son oeil, & ayant un peu éloigné le convexe qu'il tenoit au devant de l'autre main, il s'apperçut qu'il voyoit au-travers de ces deux verres quelques objets éloignés beaucoup plus grands, & plus distinctement, qu'il ne les voyoit auparavant à la vûe simple. Ce nouveau phénomène le frappa; il le fit voir à son père, qui sur le champ assembla ces mêmes verres & d'autres semblables, dans des tubes de quatre ou cinq pouces de long, & voilà la première découverte des lunettes d'approche.
Elle se divulgua promptement dans toute l'Europe, & elle fut faite selon toute apparence en 1609; car Galilée publiant en 1610 ses observations astronomiques avec les lunettes d'approche, reconnoît dans son Nuncius sydereus, qu'il y avoit neuf mois qu'il étoit instruit de cette découverte.
Une chose assez étonnante, c'est comment ce célèbre astronome, avec une lunette qu'il avoit faite lui-même sur le modèle de celles de Hollande, mais très-longue, put reconnoître le mouvement des satellites de Jupiter. La lunette d'approche de Galilée avoit environ cinq piés de longueur; or plus ces sortes de lunettes sont longues, plus l'espace qu'elles font appercevoir est petit.
Quoiqu'il en soit, Képler mit tant d'application à sonder la cause des prodiges que les lunettes d'approche découvroient aux yeux, que malgré ses travaux aux tables rudolphines, il trouva le tems de composer son beau traité de Dioptrique, & de le donner en 1611, un an après le Nuncius sydereus de Galilée.
Descartes parut ensuite sur les rangs, & publia en 1637 son ouvrage de Dioptrique, dans lequel il faut convenir qu'il a poussé fort loin sa théorie sur la vision, & sur la figure que doivent avoir les lentilles des lunettes d'approche; mais il s'est trompé dans les espérances qu'il fondoit sur la construction d'une grande lunette, avec un verre convexe pour objectif, & un concave pour oculaire. Une lunette de cette espèce, ne feroit voir qu'un espace presque insensible de l'objet. M. Descartes ne songea point à l'avantage qu'il retireroit de la combinaison d'un verre convexe pour oculaire; cependant sans cela, ni les grandes lunettes, ni les petites, n'auroient été d'aucun usage pour faire des découvertes dans le ciel, & pour l'observation des angles. Képler l'avoit dit, en parlant de la combinaison des verres lenticulaires: duobus convexis, majora & distincta proestare visibilia, sed everso situ. Mais Descartes, tout occupé de ses propres idées, songeoit rarement à lire les ouvrages des autres. C'est donc à l'année 1611, qui est la date de la Dioptrique de Képler, qu'on doit fixer l'époque de la lunette à deux verres convexes.
L'ouvrage qui a pour titre, oculus Elioe & Enoch, par le P. Reita capucin allemand, où l'on traite de cette espèce de lunette, n'a paru que long-tems après. Il est pourtant vrai, que ce père après avoir parlé de la lunette à deux verres convexes, a imaginé de mettre au-devant de cette lunette une seconde petite lunette, composée pareillement de deux verres convexes; cette seconde lunette renverse le renversement de la première, & fait paroître les objets dans leur position naturelle, ce qui est fort commode en plusieurs occasions; mais cette invention est d'une très-petite utilité pour les astres, en comparaison de la clarté & de la distinction, qui sont bien plus grandes avec deux seuls verres, qu'avec quatre, à cause de l'épaisseur des quatre verres, & des huit superficies, qui n'ont toujours que trop d'inégalités & de défauts.
Cependant on a été fort long-tems sans employer les lunettes à deux verres convexes: ce ne fut qu'en 1659 [Hugo prend à tort cette date pour celle de la publication de Reita], que M. Huyghens inventeur du micromètre, les mit au foyer de l'objectif, pour voir distinctement les plus petits objets. Il trouva par ce moyen le secret de mesurer les diamètres des planètes, après avoir connu par l'expérience du passage d'une étoile derrière ce corps, combien de secondes de degrés il comprenoit.
C'est ainsi que depuis Métius & Galilée, on a combiné les avantages qu'on pourroit retirer des lentilles qui composent les lunettes d'approche. On sait que tout ce que nous avons de plus curieux dans les sciences & dans les arts, n'a pas été trouvé d'abord dans l'état où nous le voyons aujourd'hui: mais les beaux génies qui ont une profonde connoissance de la Méchanique & de la Géométrie, ont profité des premières ébauches, souvent produites par le hasard, & les ont portées dans la suite au point de perfection dont elles étoient susceptibles. (D. J.)